mardi 21 janvier 2020

Qui est mon père ?

Puis nous apprenons une chose à la fois amusante et effrayante : le camarade Tchoïbalsan*, qui n'a pas besoin d'avoir un père, est sensé être notre père à tous, tout comme le camarade Staline ! Je voudrais bien y voir clair et je demande : "Est-ce que le camarade Tchoïbalsan est aussi le père de mon père ?"
"Bien sûr !"
"Pour moi, il devrait donc être un grand-père et non un père ?"
"Mais non !"
"Là, quelque chose m'échappe. Bon. Autre chose : n'importe quel poulain, n'importe quel veau a un père. Je pense que c'est pareil pour tous les hommes ?"
"Oui, c'est pareil."
"Mais d'après ce que vous avez dit, chacun d'entre nous devrait avoir trois pères ?"
Un nouveau murmure emplit la salle, c'est l'agitation générale. L'instituteur est d'abord embarrassé. Puis il se met soudain en colère : "Tu as toujours été un œuf pourri. Je constate que ça n'a pas changé !"
"Je vous ai juste posé cette question parce que vous nous avez toujours dit qu'il fallait demander quand nous ne comprenions pas quelque chose !"
"Mais tu poses de mauvaises questions !"
Comment ça ? me dis-je. Mais je préfère ne pas répondre, cela ne me dit rien de bon.
L'instituteur est toujours vexé : "Les mauvaises questions ne méritent pas de réponse, compris !?"
Je ne peux pas dire que j'ai tout compris, non. Mais en tout cas, une chose est claire : il faut seulement poser à l'instituteur des questions auxquelles il sait répondre. Gôk me devance et demande : "Comment savoir si une question est bonne ou mauvaise, maître ?"
Il aurait mieux fait de se taire ! Mais c'est trop tard.

Extrait de Le Monde gris - Galsan Tschinag

* Tchoïbalsan surnommé aussi le "Staline Mongol "
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Cette scène se déroule en 1951 ou 1952. Je n'ai trouvé aucune photo d'époque montrant une salle de classe, des élèves, ni aucune photo de bâtiments... Si un lecteur en trouve je suis preneuse ! Toutes ces archives d'époque auraient-elles été détruites ? 

2 commentaires:

  1. C'est excellent et typique de dictatures de la pensée...

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    1. Et ce n'est pas si lointain... il y a 68 ans à peine...
      Je reviens d'une séance de cinéma où j'ai vu "Les siffleurs" ; film roumain dans lequel les scènes de surveillance discrète par caméras dans les appartements sont très présentes. Des pratiques fréquentes des régimes totalitaires du bloc de l'est...
      Ça fait froid dans le dos. Certains savaient que la caméra était cachée dans un ou des tableaux de leur appartement par exemple et agissaient comme s'ils ne savaient rien pour tromper celui qui les observait. Même la police est surveillée dans leurs bureaux ; et il faut parler dans le couloir ou dans une salle de cinéma pour ne pas être entendus... C'est ce qui m'a le plus marquée dans ce film : la surveillance étroite. Complètement "flippant" ! :-)

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