jeudi 16 janvier 2020

Il grandissait, en proie aux souffrances inhérentes à la vie

C'est alors qu'elle avait évoqué en rougissant le fait qu'il avait grandi. Elle n'avait pas dit que cela. Elle avait continué, après qu'il eut compté sur les doigts de ses deux mains les saisons écoulées et brandi devant elle ses doigts repliés... cela faisait dix. Ses dix doigts étaient ramassés sur eux-mêmes, roulés en deux poings serrés ; et pour celle qui savait interpréter bien des choses à première vue méconnaissables et en saisir la voix, ces deux poings brandis, muets, comme suspendus dans l'air, s'étaient peut-être révélés au grand jour, s'étaient ouverts et peut-être même épanchés. Oui, il se peut bien que ces deux poings serrés l'aient accusée haut et fort, elle, l'hôte oublieuse qui peuplait tant de rêves et de pensées, qu'ils lui aient reproché sa dureté de cœur et qu'ils aient exigé d'elle une promesse pour l'avenir. Car soudain elle déclara qu'il devait continuer à grandir et mûrir encore, et que cette fois, elle ne partirait pas aussi longtemps, qu'elle reviendrait dès la fin de la saison suivante. Telle était la situation de Mugulai. Dans l'abîme creusé entre naissance et évanescence, il grandissait, en proie aux souffrances inhérentes à la vie, qui en font le sel et justifient l'éternel combat qui lui donne son sens et sa consistance.

Extrait de L'enfant élu - Galsan Tschinag

1 commentaire:

  1. En somme, grâce à toi, je suis en train de lire en pointillés ce texte...

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