Les caractères de la population pénale féminine
Entre 1822 et 1850, le point commun des femmes et des filles envoyées en prison par la Cour de Douai réside dans leurs conditions de vie très précaires et dans la nature relativement spécifique des crimes qui leur sont reprochés.
Une grande instabilité sociale
Leur âge varie de douze à soixante-quinze ans, mais deux tiers d’entre elles environ ont moins de trente-cinq ans. Cette précocité dans la criminalité caractérise également la population de l’ensemble des femmes et des filles traduites devant la justice criminelle, la plus jeune accusée ayant onze ans.
Leur condition économique s’avère très modeste : un tiers d’entre elles environ travaille dans l’industrie textile, un quart dans la domesticité et la part de celles se disant journalières atteint un cinquième. Dans la quasi-totalité des cas, elles déclarent une activité professionnelle précise. Toutefois, une grande subjectivité pèse sur ces déclarations, les accusées ayant intérêt à mentir sur la réalité de leur situation et à s’inventer une profession, si modeste soit-elle, plutôt que de s’avouer mendiantes ou prostituées. De fait, seulement quatorze « filles publiques », trois « mendiantes » et deux « tenancières » prétendent appartenir à ces catégories marginales de la population.
Les ouvrières d’usine sont employées dans la filature en qualité de « fileuses », tandis que plusieurs autres femmes se disent « couturières » et travaillent sans doute à domicile ou pour le compte d’un maître d’ouvrage. C’est le cas de Catherine Colmant, condamnée à cinq années de réclusion pour avoir volé des objets dans la maison d’un tailleur d’habits, chez lequel elle était employée « comme ouvrière salariée » C. Ass. Douai, 18 nov. 1831 ....Ces diverses activités correspondent le plus souvent à des taches de simple exécution. En cette première moitié du XIXe siècle, en effet, les femmes employées dans l’industrie textile forment une main-d’œuvre sous-qualifiée et sous-payée par rapport à celle des homme. ... Quant aux domestiques, simples servantes sans qualification particulière, elles se distinguent des travailleuses salariées, étant employées « à gages », dans le cadre d’un contrat de louage, au service d’une autre personne. Elles reçoivent donc une compensation résultant de leur relation particulière avec leur maître, reposant sur la confiance et la fidélité.
Une grande fragilité sociale se perçoit également chez les sept filles mineures envoyées à Loos entre 1822 et 1850. Parmi ces enfants de la révolution industrielle, à l’exception d’une adolescente de quatorze ans sans profession, cinq accusées âgées de douze à quinze ans se disent « fileuses » et une autre fille de quatorze ans est qualifiée de « mendiante ». Leur niveau d’instruction atteint rarement le premier degré et s’avère parfois nul, comme celui des femmes adultes. En 1829, une jeune fileuse âgée de quinze ans est scolarisée, mais « ne sait ni lire ni écrire ». Deux de ses coaccusées, la femme Tavernier, âgée de quarante-deux ans, vendant « du pain et des légumes » et la femme Blanchard, âgée de cinquante-trois ans, s’occupent de leur ménage, vivent du travail de leurs mains et sont également illettrées.
Enfin, la criminalité féminine présente un caractère très occasionnel, vingt-neuf femmes seulement ayant déjà eu affaire à la justice avant leur comparution à Douai. Les criminelles ne constituent pas une population dangereuse, nécessitant une surveillance accrue de la part des autorité. .... Cette catégorie pénale présente des particularités qui tiennent à la nature des crimes féminins, lesquels reflètent à la fois la sévérité du code de 1810 et la grande pauvreté dans laquelle vivent les accusées.
Extrait de
Femmes et filles envoyées en prison par la cour d’assises du Nord durant la première moitié du XIXe siècle (1822-1850)
par Virginie Despres
Entre 1822 et 1850, le point commun des femmes et des filles envoyées en prison par la Cour de Douai réside dans leurs conditions de vie très précaires et dans la nature relativement spécifique des crimes qui leur sont reprochés.
Une grande instabilité sociale
Leur âge varie de douze à soixante-quinze ans, mais deux tiers d’entre elles environ ont moins de trente-cinq ans. Cette précocité dans la criminalité caractérise également la population de l’ensemble des femmes et des filles traduites devant la justice criminelle, la plus jeune accusée ayant onze ans.
Leur condition économique s’avère très modeste : un tiers d’entre elles environ travaille dans l’industrie textile, un quart dans la domesticité et la part de celles se disant journalières atteint un cinquième. Dans la quasi-totalité des cas, elles déclarent une activité professionnelle précise. Toutefois, une grande subjectivité pèse sur ces déclarations, les accusées ayant intérêt à mentir sur la réalité de leur situation et à s’inventer une profession, si modeste soit-elle, plutôt que de s’avouer mendiantes ou prostituées. De fait, seulement quatorze « filles publiques », trois « mendiantes » et deux « tenancières » prétendent appartenir à ces catégories marginales de la population.
Les ouvrières d’usine sont employées dans la filature en qualité de « fileuses », tandis que plusieurs autres femmes se disent « couturières » et travaillent sans doute à domicile ou pour le compte d’un maître d’ouvrage. C’est le cas de Catherine Colmant, condamnée à cinq années de réclusion pour avoir volé des objets dans la maison d’un tailleur d’habits, chez lequel elle était employée « comme ouvrière salariée » C. Ass. Douai, 18 nov. 1831 ....Ces diverses activités correspondent le plus souvent à des taches de simple exécution. En cette première moitié du XIXe siècle, en effet, les femmes employées dans l’industrie textile forment une main-d’œuvre sous-qualifiée et sous-payée par rapport à celle des homme. ... Quant aux domestiques, simples servantes sans qualification particulière, elles se distinguent des travailleuses salariées, étant employées « à gages », dans le cadre d’un contrat de louage, au service d’une autre personne. Elles reçoivent donc une compensation résultant de leur relation particulière avec leur maître, reposant sur la confiance et la fidélité.
Une grande fragilité sociale se perçoit également chez les sept filles mineures envoyées à Loos entre 1822 et 1850. Parmi ces enfants de la révolution industrielle, à l’exception d’une adolescente de quatorze ans sans profession, cinq accusées âgées de douze à quinze ans se disent « fileuses » et une autre fille de quatorze ans est qualifiée de « mendiante ». Leur niveau d’instruction atteint rarement le premier degré et s’avère parfois nul, comme celui des femmes adultes. En 1829, une jeune fileuse âgée de quinze ans est scolarisée, mais « ne sait ni lire ni écrire ». Deux de ses coaccusées, la femme Tavernier, âgée de quarante-deux ans, vendant « du pain et des légumes » et la femme Blanchard, âgée de cinquante-trois ans, s’occupent de leur ménage, vivent du travail de leurs mains et sont également illettrées.
Enfin, la criminalité féminine présente un caractère très occasionnel, vingt-neuf femmes seulement ayant déjà eu affaire à la justice avant leur comparution à Douai. Les criminelles ne constituent pas une population dangereuse, nécessitant une surveillance accrue de la part des autorité. .... Cette catégorie pénale présente des particularités qui tiennent à la nature des crimes féminins, lesquels reflètent à la fois la sévérité du code de 1810 et la grande pauvreté dans laquelle vivent les accusées.
Extrait de
Femmes et filles envoyées en prison par la cour d’assises du Nord durant la première moitié du XIXe siècle (1822-1850)
par Virginie Despres
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