lundi 11 février 2019
Accoucher dehors
...la plupart des infanticides frappent des enfants dont la naissance doit demeurer secrète. Ils font suite à des accouchements clandestins, isolés et improvisés. Dans ces circonstances, les médecins ne sont pas toujours en mesure de déterminer si la mort du nouveau-né a été naturelle ou si elle résulte d’un accident, d’une absence de précaution ou de manœuvres criminelles.
La personnalité des coupables et la manière dont les jurés envisagent le crime font également obstacle à l’application rigoureuse du Code pénal. Les jurés sont enclins à la clémence envers les mères criminelles, qui représentent la presque totalité des accusés. Ils voient en elles de pauvres filles appelées à répondre seules de leurs actes alors que la société ne demande aucun compte à leurs séducteurs. Les statistiques démontrent effectivement que l’infanticide est le crime de la solitude, de la misère, et de la honte. Les caractéristiques sociologiques des accusées présentent une grande homogénéité : il s’agit, dans plus de 2/3 des cas, de femmes rurales, célibataires et illettrées. L’injustice de la loi qui interdit la recherche de paternité, l’état de dénuement de la plupart des femmes mises en accusation, la fermeture progressive – entre 1830 et 1860 – des « tours d’exposition », qui permettaient l’abandon anonyme des enfants dont la naissance n’était pas acceptée, sont à l’origine d’un grand nombre d’acquittements.
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Au total, 8 568 meurtres de nouveau-nés ont été traités par les cours d’assises françaises entre 1831 et 1880. À ce nombre, et sans présager du volume de ceux qui ne sont pas parvenus à la connaissance de la justice, il faut ajouter 19 948 affaires dans lesquelles le parquet ou les chambres des mises en accusation ont renoncé à exercer des poursuites.
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Les femmes accusées
Elles sont, pour les 4/5e, d’origine rurale : moins d’une centaine sont domiciliées dans des villes, encore s’agit-il généralement de petites communes. La plupart (55 %) sont vouées aux travaux agricoles, comme domestiques ou journalières. Leur degré d’instruction n’est guère indiqué avant les années 1840, mais le poids de l’illettrisme est écrasant : 82 % des femmes pour lesquelles des données sont disponibles ne savent ni lire ni écrire.
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L’identité des séducteurs demeure assez floue. Il est rare que les femmes les désignent à la justice. Ce n’est que lorsqu’ils sont soupçonnés de complicité qu’ils sortent de l’anonymat. On ne possède des indications que sur une centaine d’entre eux. Même si l’on excepte les amours ancillaires, où l’on peut supposer que la séduction de la domestique s’est faite sous le régime de la contrainte, on sait peu de choses des pratiques de la fréquentation amoureuse et moins encore de la sexualité. Les séducteurs ont souvent eu la prudence de ne pas participer à l’infanticide, se contentant d’encourager la femme enceinte à le commettre ou d’en effacer les traces.
Extraits de :
L’infanticide face à la justice au xixe siècle : l’exemple de la Bretagne, 1825-1865
Annick Tillier
http://books.openedition.org/pur/16163?lang=fr
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https://www.facebook.com/reel/452197683906000 Je transcris les paroles accompagnant la vidéo par écrit pour mes lecteurs anglophones nombreu...
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