dimanche 12 mai 2019

La douleur, frontière ultime ?

muscles
D'un coup, la température a chuté et le vent gelé refroidit mon corps. En cessant de transpirer, je peux dépenser beaucoup plus d’énergie. Dès que la sueur dégouline, il faut gérer en permanence sa température interne, se découvrir, c'est sans fin parce que la transpiration gèle et les vêtements perdent leur capacité à réchauffer le corps. Mais là, dans ce tourbillon de neige et de glace, je n'amuse pas le terrain. D'expérience, je sais que que si je ne compte que sur mes muscles pour tracter mon traîneau, je n'en verrai jamais le bout. Il faut que je tracte mon attelage avec la tête et avec le cœur. La force de la volonté est tellement supérieure à celle des biceps, des reins et des jambes, fussent-ils ceux d'un athlète. On peut repousser très loin les limites de son corps. La douleur n'est pas une frontière ultime. C'est juste une porte qu'il faut oser franchir quand les conditions l'exigent. Ensuite, on ne souffre pas de plus en plus. C'est presque l'inverse. On s'habitue. On laisse la douleur derrière soi. On ignore le froid, la fatigue, les blessures. Ce n'est plus un cap insurpassable, juste une manière de vivre. Ce jour-là, je finis d'abattre mes 14 heures de boulot réglementaires avec le sentiment du devoir accompli, car en dépit de mes galères, j'ai réussi à parcourir plus d'une quarantaine de kilomètres. Il est temps de m'occuper de mon mollet éperonné par le bâton de ski. La pointe s'est enfoncée profond dans la chair. Je nettoie, je prends l’agrafeuse et je referme la plaie en trois clics.

Mike Horn - L'Antarctique le rêve d'une vie

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