dimanche 17 mai 2020

Les assassins du bonheur


Les femmes étaient les véritables assassins du bonheur. Il observa Marina : 43 ans, des surfilages blancs dans sa chevelure sombre et un léger petit ventre arrondi sur lequel elle croisait en général ses mains quand elle se mettait à le sermonner, dans une attitude qui irritait profondément Daniel. Il regarda le visage de sa femme, tellement connu qu'il en devenait invisible ; et sa peau fine et blanche sillonnée par un délicat réseau de rides. Il avait été le témoin de la lente formation de tous ces plis. Et surtout du sillon profond qui fendait le froncement de ses sourcils, la marque de sa bouderie progressive. Ils étaient ensemble depuis 15 ans.
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Parce que Marina était l'assassin du bonheur, oui, en cela elle était comme toutes les femmes, si dures, si implacables, si insatiables dans leur demande de perfection. Elle était là, agrippée à lui comme un dogue, à exiger qu'il soit meilleur qu'il n'était et à l'humilier avec ce perpétuel regard méprisant qui était comme le miroir de son échec. Le véritable échec consistait à échouer avec une femme à vos côtés, qui amplifiait votre désastre avec la loupe de son regard. Mais pourquoi étaient-elles comme ça ? Pourquoi les femmes exigeaient-elles toujours des hommes qu'ils soient à la hauteur de leurs foutus rêves ? Daniel ne demandait pas ça à Marina, pour l'amour de Dieu, en cela au moins il était meilleur. Il était peut-être un incapable et un perdant, mais au moins, à elle, il ne lui demandait pas l'impossible, bon sang. Il était vraiment plus généreux et se contentait de survivre.

Rosa Montero - Instructions pour sauver le monde


2 commentaires:

  1. Une peau de vache même pas déguisée en fleur, alors? ;-)

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  2. Peut-être qu'elle était bien masquée... pour tromper son monde.

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Ma chère Florence, c'est comment là haut ?

Si si, elle m'a répondu :-)